La réorganisation du culte

à Mulhouse

en 1528


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Le Magistrat et le Grand Conseil de Mulhouse promulguèrent, vraisemblablement le jeudi 24 décembre 1528, une ordonnance traitant de la réorganisation fondamentale du culte. Voici la traduction, due à Philippe Mieg, de cet important mémoire.

La question que nous ont posée nos seigneurs au sujet d'un culte chrétien et extérieur est la suivante: Lorsqu'une communauté chrétienne s'assemble à l'église, comment doit-elle se comporter pour donner témoignage d'un culte extérieur à la fois convenable, véridique et chrétien?

Réponse.-- Lorsqu'une communauté chrétienne se trouve réunie le dimanche, il est nécessaire que l'assemblée entière des chrétiens loue de concert et unanimement Dieu notre Père par un psaume également intelligible aux laïques, c'est-à-dire allemand, ou d'un cantique de louanges, et qu'elle le remercie pour tous les bienfaits qu'Il nous a témoignés, en particulier par Son Fils, notre Seigneur Jésus Christ, ceci en premier lieu.

En deuxième lieu, on doit annoncer la Parole de Dieu sans aucune tromperie et avec véracité, et non des balivernes inventées par les hommes.

En troisième lieu, on doit adresser avec recueillement une prière commune à Dieu notre Père, pour tous les pays de la chrétienté, comme Paul l'enseigne dans 1 Tim., chap. 2, et pour tout ce qui est profitable et nécessaire à une communauté chrétienne.

En quatrième lieu, s'il s'agit d'une assemblée chrétienne, elle n'oubliera pas le Seigneur Jésus Christ, au Nom duquel elle se trouve réunie; il est nécessaire de se souvenir de Lui et de Sa passion avec beaucoup de recueillement et de dignité, d'annoncer aussi Sa mort en la louant hautement, et de remercier le Père, c'est-à-dire de célébrer l'eucharistie: c'est ainsi que chacun pourra affirmer aux autres sa foi et son amour, tout ceci par la très sainte Cène de notre Seigneur Jésus Christ. La Cène pourra être distribuée chaque dimanche, ou seulement tous les quinze jours, ou encore chaque jour de la semaine, comme l'exigera la dévotion des fidèles.

En cinquième lieu, après que la sainte-Cène aura été ainsi distribuée, il ne sera pas déplacé, selon l'exemple de Christ et de Ses apôtres, de louer et de remercier à nouveau Dieu par un cantique de louanges et un, deux ou trois psaumes intelligibles aux assistants.

Celui qui, après tout cela, désire encore prier davantage et pour son propre compte, ou remercier Dieu, peut le faire parfaitement et n'en sera point blâmé, mais au contraire loué. Mais, par contre, celui qui veut prier dans sa maison et remercier Dieu, le fait également à juste titre.

Tout cela, nous devons le dire à l'adresse des hommes sans jugement, qui ne veulent se rallier à aucun moyen terme de part et d'autre: ceux-ci craignent de commettre un péché s'ils prient dans un temple où se trouvent des idoles, alors que le monde entier est rempli d'idoles, et sans doute leur coeur aussi; ceux-là sont d'avis qu'il n'est bon de prier qu'à l'église. Ces deux espèces d'hommes sont en contradiction avec Saint Paul, qui enseigne dans 1 Tim., chap. 2, qu'il est désirable d'élever en tous lieux des mains pures, et de prier en tous lieux.

Quant aux nones et aux vêpres qu'on a coutume de chanter avant les fêtes, ou au salvé lorsqu'il a trait au Christ ou encore aux psaumes et passages de saint Job qu'on chante pendant les vigiles, on ne doit pas défendre de les donner en latin, mais sans aucune addition non motivée. Il est nécessaire toutefois qu'on n'agisse pas, comme jusqu'ici, sans aucune foi, compréhension ou recueillement, et avec une rapidité et un bredouillage indicibles, mais que l'office se déroule avec foi, compréhension et recueillement, sans l'appât des droits de présence et en recherchant Dieu, et que tout se passe d'une manière lente, distincte et ordonnée; c'est ainsi qu'on agira convenablement.

Cependant, pour que leur chant à l'église soit convenable, les officiants doivent avant tout désigner un des leurs qui, le dimanche, avant l'exécution de leurs chants en latin, et lorsque les fidèles se trouvent déjà assemblés, sera tenu de lire en allemand le texte de tous ces chants ou de les leur commenter; ceci pour que leur âme ne manque pas d'en tirer le fruit, et que les fidèles reçoivent une édification de leur chant en langue étrangère: mais s'ils ne possèdent pas d'interprète, ils doivent s'abstenir de chanter devant les fidèles assemblés. Cependant, si le peuple n'est pas présent, comme en semaine, nous ne voulons pas empêcher leur dévotion ni exiger d'eux un interprète ou un commentateur. De tout cela, on trouve un bon exposé dans la première épître de Paul aux Corinthiens, au chapitre 14.

De plus, à l'heure de la messe matinale, qu'on nomme de préférence la prière du matin, il est bon et opportun que celui des chapelains qui se trouve être de semaine choisisse un livre de la Bible et en lise un passage à la communauté; cette lecture se fera journellement, en bon ordre et jusqu'au bout, et sera ensuite commentée selon les moyens dont chacun dispose; ceci en premier lieu.

En deuxième lieu, lorsqu'on aura agi de la sorte, il sera aussi convenable et conforme au désir de Dieu que le peuple s'humilie devant Dieu par une confession commune et publique des péchés, et reçoive ensuite l'absolution de ceux-ci.

En troisième lieu, on fera une prière commune et recueillie en faveur de la chrétienté.

Ensuite, chacun se rendra à son travail ou à son domicile, ou continuera à prier en ce lieu, selon ses préférences.

Durant la semaine, cependant, on agira de la façon suivante:

Chaque jour, le matin, lorsque les fidèles se rendent à l'église, c'est-à-dire vers huit heures, l'ensemble de la communauté commencera par chanter un psaume en bon allemand; on prêchera ensuite, puis on priera comme le dimanche, enfin, s'il est nécessaire, on se rendra à la table du Seigneur, et pour terminer, on louera à nouveau Dieu par un chant de grâces. C'est ainsi qu'on agira chaque jour de la semaine.

Quant à la façon de célébrer en semaine les nones, les vêpres et les vigiles, et aussi le salvé, nous répondrons que ce sera comme le dimanche, la manière dont ces offices doivent se tenir chrétiennement ou non se trouve suffisamment décrite ci-dessus.

Il est nécessaire, en outre, de signaler un abus relatif au baptême: celui-ci n'est pas nécessaire devant Dieu pour la piété; mais il est nécessaire devant les hommes et aussi institué par Dieu uniquement pour les besoins de l'Église et des fidèles; c'est pourquoi il ne sera pas indiqué qu'on administre le baptême hors de la présence de la communauté: aussi aura-t-on à baptiser lorsque la communauté se trouve assemblée, soit avant, soit après le culte précédemment décrit.

De même, au sujet de la bénédiction à l'église de ceux qui se sont rendus dans l'état du mariage, cette mesure est décrétée pour les besoins des hommes et n'est pas nécessaire devant Dieu, mais bien devant les hommes; elle n'est pas autre chose qu'un témoignage apporté par les époux à la communauté qu'ils s'établissent ou veulent s'établir non dans le déshonneur, mais dans l'honneur. C'est pourquoi il ne sera pas indiqué que cette bénédiction à l'église se fasse en secret, mais bien au grand jour et en présence de la communauté; et afin qu'aucune sérieuse méprise ni aucune erreur ne puissent se produire, on ne devra pas admettre de mariage ou de bénédiction à l'église sans qu'ils aient été annoncés et publiés auparavant. Tout ceci est enseigné par l'Écriture relativement au culte qui doit se tenir à l'église, et constitue en propre notre réponse au sujet du culte divin extérieur. Si nos seigneurs désiraient en outre avoir connaissance des textes qui nous guident, nous serions disposés à nous justifier par l'Écriture divine non seulement envers nos seigneurs, mais également envers chaque personne qui n'en reconnaîtrait pas le bien-fondé.

Cependant, tout ce qui précède relativement au culte extérieur n'est pas présenté aux chrétiens comme une loi stricte et ne peut être imposé à un chrétien. Mais s'il est un chrétien véritable et s'il a acquis la piété devant Dieu par la foi, il ne se contentera point de sa piété, de sa joie et de son salut, mais il fera aussi comprendre aux hommes quelles grandes bonté et miséricorde Dieu lui a dispensées gratuitement, et il reconnaîtra celles-ci par des manifestations ou des témoignages de cette nature.

De même, ce culte extérieur ne doit pas être exigé de chaque chrétien sous peine de se voir exclu de la vie éternelle; mais il est requis de chaque chrétien d'y assister sous réserve qu'il en trouve l'occasion de convenance, de temps ou de loisir. Si toutefois un chrétien devait rougir de ce service divin extérieur et de se montrer ainsi de la couleur et du parti du Seigneur, et n'avait pas le désir du bien de son prochain; qu'il ait ainsi honte de son Seigneur et ne veuille le confesser librement devant les hommes, en ce cas il n'agira point selon son devoir. On ne pourra davantage le tenir pour un croyant puisque la foi, lorsqu'elle pénètre un homme, se manifeste devant ses semblables à la gloire de Dieu.

Si, cependant, par suite d'un empêchement, une personne ne pouvait trouver ni le temps, ni le loisir de participer à ce culte extérieur elle ne pourra, pour avoir délaissé ce culte, être écartée de la vie éternelle, aussi peu que ce culte ne pourrait l'avancer en celle-ci; en effet, la foi et la charité doivent suffire à cet homme pour son salut, car c'est là ce qui compte devant Dieu, selon le chap. 5 de l'Épître aux Galates, où l'on trouve que ces vertus constituent devant Dieu le vrai service divin.

Pour dire toute la vérité en quelques mots, la foi et la confiance en Dieu sont la seule oeuvre qui plaise ainsi réellement à Dieu, et c'est là le vrai service divin, qui suffit à la vie éternelle. Mais lorsqu'il en a le temps et le loisir, le lieu et les personnes, on exige d'un chrétien l'amour de son prochain, la patience sous la croix, le baptême, la communion, la présence aux prédications, la prière, la gratitude envers Dieu et de louer verbalement et d'honorer Dieu. Non que ces choses nous procurent quelques avantages pour notre salut, mais parce que la foi, qui nous rend bienheureux, possède le privilège de porter des fruits de cette nature; toute autre chose n'est pas une foi véritable, mais erronée.

En résumé, le vrai et véritable service divin ne se trouve dans aucune action extérieure, ni dans le baptême, ni dans le repas du Seigneur, ni dans le chant des psaumes, ni dans aucune oeuvre ou cérémonie (car celles-ci peuvent être utilisées et pratiquées même par les impies, sans aucune ferveur ni foi). Ce n'est que par la foi et la confiance en Dieu par Christ que Dieu est honoré et imploré en esprit et en vérité, et qu'il est servi véritablement. Nous parlons cependant d'une foi qui soit emplie de la grâce et de la miséricorde de Dieu, si bien qu'elle déborde du coeur de l'homme et ne s'y cantonne pas, de sorte qu'elle ne demeure pas cachée ni ensevelie dans le coeur, mais qu'elle porte et jaillisse de la bouche, des mains, de la parole, des oeuvres et de la vie, comme il est écrit dans Romains, chap. 10, et Matthieu, chap. 12.

Pour terminer, nous ne voulons pas être absorbés par l'obligation de participer au susdit culte extérieur au point de négliger les oeuvres et actes extérieurs, et en outre la foi et la vie intérieure, de sorte que nous posons cette proposition finale: L'homme qui se préoccupera de ce culte extérieur, que ce soit au sujet du chant, de la prédication, de la prière, des actions de grâce ou du repas de la table du Seigneur, mais qui manquera de foi et de confiance en Dieu par Christ, ce qui constitue le seul service divin spirituel et véritable, cet homme se trompera lui-même en même temps qu'autrui, agira en hypocrite et commettra en outre un péché, comme Paul le dit dans l'épître aux Romains au chap. 14: "Tout ce qu'on ne fait pas avec conviction est un péché".

Ainsi, gracieux seigneurs, ce n'est pas là notre avis ou notre réponse, mais bien l'avis et la réponse de l'Écriture, tels que celle-ci nous a indiqué et enseigné de vous en faire part selon les textes suivants: Rom. 3 et 10; 1 Cor. 14; 1 Tim. 2; Éph. 5; Col. 3 et 4; 1 Pierre 5; Psaume 115; Matth. 10 et 25; Marc 8 et 14; Jean 6; Gal. 5.

J. AUSPÜRGER, O. BINDER, B. RONNER.

 

(Cité dans "La Réforme à Mulhouse" de Ph.Mieg)


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