LA TABLE DU SEIGNEUR

(1 Corinthiens 10, 14-17)


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LE CONTEXTE A CORINTHE

A Corinthe, l'état de l'assemblée était grave. Divers désordres dans la doctrine et la pratique s'étaient glissés au milieu d'elle. Un esprit de parti prédominait largement dans l'assemblée. Et, parmi d'autres désordres, il était manifeste qu'un certain nombre de saints déshonoraient publiquement le nom du Seigneur et menaçaient par cela de ruiner le témoignage de l'assemblée en participant ouvertement avec des idolâtres à leurs sacrifices. C'est pourquoi l'apôtre, en 1 Cor. 10, 14-22, traite la question de la relation du chrétien avec les pratiques extérieures d'une chair religieuse professante.

L'apôtre commence par les exhorter vivement: "Fuyez l'idolâtrie", ajoutant en mêlant comme il savait si bien le faire, à la dignité et à l'autorité d'un apôtre inspiré les égards pour ses interlocuteurs: "je parle comme à des personnes intelligentes: jugez vous-mêmes de ce que je dis". En montrant alors le contraste entre les célébrations religieuses chrétiennes et païennes, il se réfère tout d'abord au côté de la Cène qui, bien qu'il ne soit pas le premier dans l'ordre à observer, était le plus sujet à de graves associations. "La coupe de bénédiction que nous bénissons", (en contraste avec les coupes versées en libation aux faux dieux), "n'est-elle pas la communion du sang du Christ?" Comment alors pouvaient-ils considérer cette coupe comme une simple forme alors qu'elle était précisément le signe de la plus étroite identification avec Christ? Et cela, dans le moment excessivement solennel où Il offrait sa vie pour eux? Ainsi, déprécier cette coupe porteuse d'une si profonde et sainte signification, jusqu'au niveau d'une cérémonie païenne en participant aux deux, c'était entraîner les plus graves conséquences pour eux-mêmes comme pour le témoignage public de l'assemblée de Dieu à Corinthe. En fait, faire une telle chose, c'était montrer une totale incompréhension du véritable caractère de chacun de ces deux actes. Ils ne réalisaient ni la solennité du premier, ni l'impiété du second, sinon comment auraient-ils pu au même niveau ces coupes en buvant aux deux à la fois? Car, ainsi que l'apôtre le déclare de façon marquante: "vous ne pouvez (c'est-à-dire, si vous êtes vraiment conscients de la valeur de la coupe) boire la coupe du Seigneur et la coupe des démons".

Si la coupe de bénédiction était si pleine de signification, le pain ne manquait pas non plus d'importance. Il n'était rien moins que la communion du corps du Christ et, en même temps, il exprimait l'unité intime de Ses saints sur la terre; "Le pain que nous rompons, n'est-il pas la communion du corps du Christ? Car nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain". Ainsi, quel que soit le nombre des saints, leur unité spirituelle est reconnue et exprimée par la participation à un seul et même pain. L'acte de communion témoigne que les enfants de Dieu à Corinthe, et aussi "tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ" (1 Cor. 1, 2) sont unis par la puissance du Saint Esprit (1 Cor. 12, 13) et de ce fait sont nécessairement séparés aussi bien des Juifs que des Gentils. Pourrait-il y avoir une plus grande inconséquence que de reconnaître cette vérité par la fraction du pain, tout en la désavouant par la participation aux festivités dans les temples d'idoles? Il était inutile que les Corinthiens pensent faire étalage de grande sagesse en avançant que, puisque les idoles n'étaient rien, s'asseoir à leurs fêtes n'avait pas d'importance et ne pouvait causer aucun mal. Évidemment, ces misérables idoles n'avaient même pas la puissance d'un homme, et encore bien moins une puissance divine; ce que l'apôtre ne contredit absolument pas (v.19). Mais si les Corinthiens savaient voir que les idoles n'étaient que des marionnettes, l'apôtre ne voulait pas qu'ils ignorent qui tirait les ficelles. Est-ce que les mêmes passages qui affirment le néant de tout culte païen n'affirment pas aussi que "les choses que les nations sacrifient, elles les sacrifient à des démons et non pas à Dieu" (v.20; voir Deut. 32,17)?

Satan, le roi des trompeurs, et ses subordonnés impies, tenaient ces âmes ignorantes dans les aberrations d'un culte idolâtre. Les saints de Dieu devaient-ils participer à de telles oeuvres de ténèbres ne serait-ce que par leur simple présence? C'était cela qui tourmentait l'apôtre: "je ne veux pas", dit-il, "que vous ayez communion avec les démons". Il insiste tellement sur ce point qu'il ne mentionne même pas les excès scandaleux qui si souvent accompagnaient ces orgies païennes, mais seulement démasque le terrible principe du mal qui est dissimulé derrière, en insistant sur le fait que si le Seigneur préside à l'une des tables, la Sienne, les démons président à l'autre, la leur! Les Corinthiens ne pouvaient "participer à la Table du Seigneur et à la table des démons" (v.21). Sinon, où était la gloire du Seigneur? Où étaient les droits de Sa sainte Personne? Où étaient l'amour et la fidélité de Ses saints? Voulaient-ils provoquer le Seigneur à jalousie par un tel outrage flagrant à l'égard de Son Nom? Étaient-ils plus forts que le Seigneur? Devaient-ils s'attendre à agir de la sorte sans être punis par Lui?

 

LA SAINTETÉ DE LA TABLE DU SEIGNEUR

Le terme utilisé ici par l'Esprit de Dieu -- la Table du Seigneur -- est très significatif. La coupe et le pain sont tous deux remplis d'une sainte signification. Ici il ne nous est pas rappelé le Mémorial de la mort du Seigneur, ce que ce Mémorial implique, mais il nous est rappelé la Personne du Seigneur Lui-même. C'est moins ce qui est sur la table que Celui qui est à la Table, moins la fête elle-même que Celui qui en est l'Hôte. C'est la Table du Seigneur. Ceci imprime alors à la Cène un caractère saint et divin, malgré, par ailleurs, sa simplicité apparente. Le Seigneur est là, et Son Nom et Sa Personne sanctifient le tout.

Cette expression "la Table du Seigneur" n'est pas inconnue de l'Ancien Testament. En Ézé. 41,22 et 44,16, l'Éternel parle de l'autel de l'encens comme étant la Table qui est devant Lui. Évidemment, c'est pour renforcer l'idée de Sa sainteté, puisqu'elle est dans le sanctuaire, dans Sa présence immédiate, et qu'elle porte les offrandes faites à Son Nom. Et dans Malachie l'expression est aussi utilisée, dans un sens encore plus frappant, en relation avec la sainteté de l'autel (Mal. 1,7 et 12). Dans ce passage, l'Éternel reproche aux sacrificateurs d'offrir du pain souillé sur Son autel et de profaner Son Nom, en disant que la Table de l'Éternel est méprisable. C'était parce que l'autel était devant l'Éternel et qu'il était appelé de Son Nom, qu'une telle profanation était si abominable. Et ils n'avaient pas l'excuse de l'ignorance de ce qui était dû au Seigneur; parce que Sa Parole, depuis longtemps, avait formellement défendu que toute bête aveugle, mutilée ou malade soit offerte en sacrifice (Lév. 22,17-22). Mais ils ont pourtant délibérément désobéi à cette parole (Mal. 1,8). Et ce qu'ils auraient eu honte d'apporter au gouverneur, ils l'apportaient à l'Éternel. Qu'était-ce donc, sinon la plus inexcusable légèreté, dans les choses les plus sacrées? C'était mépriser Son Nom; et en conséquence "l'oracle de la Parole de l'Éternel" était prononcé contre Israël.

D'après ce qui précède, on voit que l'Esprit de Dieu utilise cette expression de la même manière * pour les Corinthiens, pour donner à cette Cène toute simple le caractère de dignité et de sainteté qui lui convient. Quand le caractère de sainteté de la célébration du Mémorial de Sa mort était attaqué, et que la précieuse institution du Seigneur était mise au même rang qu'une fête idolâtre, les saints devaient immédiatement se rappeler que la Table était la Table du Seigneur. Tout en montrant que cette déchéance venait de leur manque de respect pour ce qui était dû à Son nom (l'expression: "abandonner la table du Seigneur", est donc bien appropriée), les droits de Dieu étaient solennellement remis en lumière.

* NOTE: Cela n'appuie en aucune manière l'idée absurde que la Cène du Seigneur serait un sacrifice ou que Sa Table serait un autel. Comme il a été dit: "coena convivium est, non sacrificium; in mensa, non in altari" (la cène est un repas, non un sacrifice; c'est à une table, non pas à un autel). Les autels de l'encens et de l'holocauste sont mentionnés dans un but d'illustration et pour un propos particulier comme on l'a vu. De plus, les autels israélites sont clairement distingués au v. 18: "Considérez l'Israël selon la chair: ceux qui mangent les sacrifices n'ont-ils pas communion avec l'autel?" En effet, s'imaginer que la table du Seigneur est un autel chrétien, c'est penser que le christianisme n'est qu'une forme de judaïsme -- or c'est justement cette erreur que les épîtres aux Galates et aux Colossiens réfutent tout au long.

 

DISTINCTION ET RELATION ENTRE TABLE DU SEIGNEUR ET CÈNE DU SEIGNEUR

Il serait utile de distinguer ici, brièvement, le terme employé en 1 Cor. 11, 20 -- la Cène du Seigneur -- d'avec celui qui est devant nous -- la Table du Seigneur. Bien qu'il s'agisse dans les deux cas du même précieux Mémorial, tous ceux qui croient à l'inspiration de la Parole doivent admettre aussi qu'il ne peut y avoir aucune distinction qui soit faite dans la Parole sans qu'il y ait une réelle différence. L'expression "la Cène du Seigneur" doit nécessairement être plus en harmonie avec le sujet que le Saint Esprit traite dans le chapitre 11, qu'avec le sujet du chapitre 10: "la Table du Seigneur". Et les sujets présentés dans ces deux passages ne sont pas difficiles à distinguer. Un rapide examen montre que l'apôtre parle au chapitre 11 d'affaires intérieures, et au chapitre 10 de relations extérieures. Au chapitre 11, l'erreur des saints de Corinthe concernait la manière de prendre la Cène, alors qu'au chapitre 10, il s'agissait du caractère de communion impliqué dans la fraction du pain. Le contraste au chapitre 11 est entre la Cène et eux-mêmes, alors qu'au chapitre 10, c'est entre la Table du Seigneur et la table des démons. Manger indignement au chapitre 11 entraîne le jugement, alors que les associations indignes du chapitre 10 ont pour résultat la ruine du témoignage devant un monde païen. Dans le chapitre 11, nous n'avons pas un mot au sujet de l'unité du Corps, sujet présenté avec insistance dans le chapitre 10, mais plutôt une énumération dense de toutes ces questions qui touchent le croyant et parlent de façon si éloquente à son coeur. Le désir du Seigneur sur la terre, réitéré depuis la gloire, la trahison dont Il a été l'objet, Sa dernière volonté, Sa mort, Son retour -- toutes ces choses sont vues comme étant associées à la Cène du Seigneur.

Les Corinthiens, cependant (11,17-22), avaient laissé un repas pris en commun, l'agape ou repas d'amour, effacer tous ces rappels touchants du Mémorial de la mort du Seigneur; et, en laissant l'orgueil et l'envie faire leur oeuvre au milieu d'eux, ils en avaient fait leur propre repas et non plus celui du Seigneur. En fait, ils mangeaient et buvaient indignement, ne discernant pas le Corps du Seigneur, mais remplaçaient Sa mort par leurs misérables inventions où ils se donnaient la première place, pour leur plus grande honte. L'apôtre leur adresse à ce sujet le plus sérieux appel à s'examiner eux-mêmes, afin que ces affronts à l'encontre du Seigneur ne continuent plus.

La courte considération ci-dessus des expressions replacées dans leur contexte -- seule manière fiable de procéder dans toute interprétation des Écritures -- amène, croyons-nous, aux deux conclusions suivantes:

1/ La communion avec la Table du Seigneur et la communion avec ce qui est opposé à Son Nom ne peuvent coexister, se détruisant mutuellement; et

2/ La Cène du Seigneur ne peut être prise sans la compréhension spirituelle de ce que le symbole exprime (1 Cor. 10,15).

De plus, les deux sont essentielles pour participer convenablement et fidèlement à cet incomparable Mémorial. Si bien que le point important à considérer, ce n'est pas: si l'on peut avoir l'une sans avoir l'autre, mais c'est bien plutôt la nécessité de les avoir toutes les deux, de manière à ce que cette institution divine puisse être maintenue dans toute sa fraîcheur et dans toute sa sainteté. Aussi, que se poser la question pour savoir si l'on peut prendre la Cène du Seigneur et cependant ne pas être à la Table du Seigneur, ou, inversement être à la Table du Seigneur et cependant ne pas prendre la Cène, -- on ne peut absolument pas désirer être dans l'une de ces deux positions -- que chacun plutôt juge son propre coeur et avec quoi il est associé en ce qui concerne cette institution du Seigneur, dans la sainte lumière de la vérité divine.

 

DEUX GRAVES DANGERS

Combien il est grave d'appeler "Table du Seigneur" ce qui est basé sur la volonté de l'homme et non sur celle de Dieu! Est-il juste de masquer derrière la sainteté de Son Nom un refus positif de ce que Sa Parole enseigne, couvrant du Nom du Seigneur ce qui Le déshonore? Si la présidence du Seigneur est supplantée par celle d'un homme, aussi sérieux et pieux soit-il; si l'action du Saint Esprit dans l'assemblée (1 Cor. 12,11) est interdite sauf en suivant des règles humaines stéréotypées; si des hommes pieux qui ne peuvent prononcer un "shibboleth" (voir Juges 12,6) sont exclus; si ceux qui trahissent le Seigneur sont autorisés à se mélanger avec les fidèles; bref, si les vérités claires de l'Écriture sont désavouées dans un rassemblement donné, est-ce que les enfants de Dieu sur la terre sont autorisés à appeler une telle communion: la Table du Seigneur? * Bien que tout en reconnaissant la foi et la piété individuelle, c'est assurément une contradiction dans les termes de dire qu'une congrégation de personnes ne maintenant pas l'honneur qui est dû au Nom du Seigneur soit néanmoins assis à Sa Table. Êtes-vous à Sa Table? La Parole de Dieu, et non pas votre propre jugement, peut seule fournir la base d'une réponse vraie.

* NOTE: L'application sans discrimination de l'expression "la table des démons" aux assemblées sectaires dénote en général une grossière ignorance mêlée de bigoterie et de méchanceté. En 1 Cor. 10, elle est utilisée en rapport avec les fêtes idolâtres et avec elles uniquement.

D'un autre côté, participer aux symboles alors que la personne du Seigneur dans Ses souffrances et dans Sa mort n'a plus de place devant l'âme, ce n'est plus prendre la Cène. Et certainement chaque croyant sait par expérience combien il faut peu de chose pendant ce moment aussi saint, pour éloigner les pensées des précieux souvenirs de Son amour. Même sans parler d'un rituel imposant et pompeux, ou d'un légalisme sans intelligence, ou d'une froide et formelle indifférence, l'âme négligente sera aisément envahie par de vagues rêveries, par des pensées vagabondes ou même pire, si bien qu'elle perd le sens de l'heureuse solennité de ce moment. Combien il est humiliant que nos affections soient si engourdies. Jusqu'à quel point sommes-nous insensibles pour que le souvenir de Ses afflictions pour nous ne parvienne pas à raviver en nous une fervente contemplation de Sa grâce?

Puisse l'exhortation de l'apôtre demeurer toujours devant les saints de Dieu: "Que chacun s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange du pain et boive de la coupe" (1 Cor. 11,28).

W.K.