PRÉFACE AU

RECUEIL DE CANTIQUE DE 1864

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En donnant, en 1850, une cinquième édition, augmentée d'un supplément, du Choix d'Hymnes chrétiennes, nous disions: «Espérons que plus tard (s'il y a un plus tard pour l'Église de Dieu), le Seigneur nous fournira les moyens, tout en ayant égard aux circonstances des frères, de refondre ce petit livre en un seul Recueil, soigneusement revu et corrigé

Notre travail actuel n'est que la réalisation de cette espérance: c'est une refonte complète de l'ancien «Choix d'Hymnes.»

Le titre et l'ordre en ont été changés: nous devons à nos frères de leur en expliquer brièvement les motifs. Quant au titre, celui que nous avons adopté répond mieux au contenu de notre recueil. En effet, si nous examinons les deux passages les plus explicites relativement au chant chrétien, savoir Éphés. 5:19 et Coloss. 3:16, nous verrons que, dans le premier passage, il découle de cœurs remplis de l'Esprit et se rattache aux actions de grâces; que dans les Colossiens, il est rapproché de cette exhortation: «Que la parole du Christ habite en vous richement, — en toute sagesse,» et que tout en ayant aussi pour but de chanter dans nos cœurs à Dieu, dans un esprit de grâce, il est présenté comme un moyen de nous enseigner et de nous exhorter l'un l'autre. Mais, dans les deux passages également, nous voyons aussi que ce chant, dans ses diverses formes, comprend des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels.

Or, qu'est-ce qui caractérise proprement et qui différencie ces trois espèces de chants chrétiens? C'est ce qu'il n'est pas facile de déterminer exactement, surtout pour ce qui regarde les Psaumes. Disons d'abord pourtant que quand, dans le Nouveau Testament, ce mot est employé, comme dans les deux versets dont nous parlons et dans 1 Corinth. 14:26, pour désigner des cantiques chantés par des chrétiens, soit chez eux, soit dans leurs assemblées, - il ne peut pas, à notre avis, s'appliquer à des Psaumes de David ou d'Asaph, par la bonne raison que David était le «doux psalmiste d'Israël» (2 Sam. 23:1); que, par conséquent, les cantiques qu'il composait étaient pour Israël, peuple terrestre de Dieu, et qu'ils ne pouvaient donc exprimer les louanges, les besoins moraux, la position, les aspirations et les espérances de l'Église, dont la vocation est purement céleste. Le mot grec Psalmos vient d'un verbe qui veut dire: toucher, frapper, pincer les cordes d'un instrument; de là, jouer d'un instrument à cordes pour accompagner la voix; puis, chanter, célébrer dans un psaume. Vous trouverez ce verbe dans les passages suivants: Rom. 15:9; Éphés. 5:19, où il est traduit par psalmodier; 1 Cor. 14:15, deux fois: je chanterai; Jacq. 5:13: qu'il chante des cantiques.

Ce mot de Psaumes, dans son acception étymologique, convenait bien aux cantiques de l'Ancien Testament et, en particulier, à ceux de David qui, en effet, se chantaient avec accompagnement d'instruments divers. C'est ce que l'on voit souvent dans les titres des Psaumes, par exemple, au Ps. 4: «Au chef de musique, sur Nehiloth (instruments à cordes);» Ps. 5: «sur Sheminith (instruments à vent).» C'est ce qui ressort de nombreux passages de ces chants d'Israël; pour n'en citer qu'un exemple, prenez le Ps. 33:2-3: «Célébrez l'Éternel avec la harpe; chantez ses louanges sur le luth à dix cordes; Chantez-lui un cantique nouveau; pincez habilement de vos instruments avec un cri de joie.»

Si ce nom de «Psaume» est donné à des chants d'assemblées chrétiennes, il ne faut pas en conclure que ces chants étaient accompagnés de musique instrumentale; mais cela indique plutôt des cantiques, au point de vue chrétien, dans le genre des Psaumes anciens quand à la forme. C'est aussi un terme plus général que les deux autres, dont nous allons nous occuper et qui, comme les Psaumes de David, embrasse à la fois des Hymnes et des Cantiques spirituels.

Le second genre de chants chrétiens, indiqué dans Éphés. 5,19 et Coloss. 3,16, est l'Hymne, mot purement grec qui signifie: «chant de louange en l'honneur de Dieu.» Le verbe qui vient de ce mot, comme, en français, chanter vient de chant, ne peut se traduire que par «chanter les louanges,» ou «chanter une Hymne ou des hymnes.» Vous le trouverez dans Matth. 26:30; Marc. 14:26; Act. 16:25; Hébr. 2:12. Quant au mot hymne, il ne se trouve que dans les deux passages en question.

L'Hymne est donc un cantique, adressé directement à Dieu ou au Seigneur Jésus, pour Le louer, L'adorer, Lui rendre grâce, exalter Sa miséricorde et Sa gloire.

Nous avons cru devoir réunir, dans une première partie, tous ceux de nos Cantiques qui sont proprement des Hymnes, en les répartissant en trois divisions: Adoration, Cène, et Espérance de l'Église, et en rappelant par un second titre, qu'elles sont tout spécialement appropriées au culte des enfants de Dieu. Nous n'avons pourtant nullement la prétention de prescrire aux frères l'emploi exclusif, dans le culte, de cette catégorie de chants. C'est à l'Esprit de Dieu seul à diriger le choix de ceux qui indiquent un Cantique. Pour le faire selon Dieu, il faut être en communion avec Lui et avec les besoins de l'assemblée.

Dans les Psaumes de l'Ancien Testament, il y a des Hymnes admirables, par exemple: Ps. 84, 85, 144, 145, etc. etc. Il y en a plusieurs qui sont plutôt des prières: Ps. 69, 35 etc. Il en est d'autres qui, sans être des Hymnes proprement dites, sont des invitations, adressées aux fidèles, de célébrer et louer l'Éternel, Ps. 66, 95, 96, 98 etc.

Nous avions, de même, dans notre ancien Choix, beaucoup de Cantiques qui n'étaient pas des Hymnes: tous ceux, par exemple, qui répondaient aux deux dernières classes de Psaumes dont nous venons de parler: Prières et exhortations mutuelles. Prenons, pour nous faire comprendre, les Cantiques 70, 71, et 74 du Recueil actuel. Le premier, tout en rappelant les grâces du Seigneur, ne s'adresse à personne; le second, quoique s'adressant à Dieu dans les deux derniers versets, le fait pour invoquer son secours; le troisième est une exhortation mutuelle à célébrer la bonté du Sauveur. Mais parce que ces chants ne sont pas des Hymnes, faut-il les rejeter? Nullement, car il est dit dans Col. 3,16, que nous devons nous enseigner et nous exhorter l'un l'autre «par des Psaumes, des Hymnes, des Cantiques spirituels» (1).

Or, je crois que ce sont surtout «les Cantiques spirituels,» qui doivent servir à cette exhortation. Ils font partie des Psaumes, mais ils ne sont pas des Hymnes proprement dites. Le mot traduit ici par «Cantique» est le même que le mot français «ode;» c'est un poème destiné à être chanté. Il est toujours rendu par Cantique, et ne se trouve que dans nos deux passages, et dans Apocalypse 5:9; 14:3 et 15:3.

Les Cantiques chrétiens doivent être spirituels, c'est à dire, comme nos actions de grâces, nos sacrifices de louanges, nos prières, nos méditations, être donnés par l'Esprit ou être selon l'Esprit de Dieu. Sans cela, ils ne seraient que de la pauvre musique. Nous avons donc cru devoir ranger, sous ce titre, ceux de nos chants qui n'étaient pas proprement des Hymnes: nous ne pensons pas l'avoir fait d'une manière rigoureusement exacte; en les relisant, nous trouvons tel Cantique qui pourrait bien passer dans la division des Hymnes et vice-versa.

Nos deux premières classes: «Hymnes et Cantiques spirituels» ne renferment que des chants collectifs, ou dans lesquels nous disons: «Nous» chantant au nom de tous. Si nous les avons mis à part, c'est pour nous accommoder aux scrupules et aux demandes de plusieurs frères qui pensent que cette forme collective est seule propre au chant des assemblées de culte. Preuve en soit, disent-ils, la fâcheuse impression que produit dans les prières d'assemblées, tel frère qui s'adresse au Seigneur, en disant: «Mon Dieu.» Nous nous bornerons à dire, quant à nous, que cette forme est mieux appropriée à ces assemblées et mieux en harmonie avec la communion fraternelle et avec la pensée du Seigneur qui nous a appris à dire: «Notre Père.» Nous pensons qu'il est fâcheux que nos meilleurs poètes chrétiens, en anglais comme en français, soient plus riches en cantiques individuels qu'en hymnes collectives. Aussi avons-nous encore cherché, soit à rendre nous-même collectifs quelques anciens Cantiques, soit à utiliser le travail d'autres frères dans le même but. Mais avec tout cela, nous n'avons cru pouvoir ni devoir repousser les Cantiques individuels que nous avions déjà, ni même refuser d'y en joindre d'autres qui nous étaient instamment demandés. Il en est quelques-uns qui sont excellents et que l'on aime. Qu'on les chante de cœur et par l'Esprit, en se rappelant que plusieurs «Je» réunis et en communion, font un «Nous» agréable devant Dieu.

Parmi les cantiques ajoutés à ce volume, soit inédits, soit empruntés à d'autres recueils, il en est, nous le savons, de bien pauvres; il en est que nous n'aurions pas admis, si nous avions été entièrement libres. Mais nous nous sommes considérés comme l'agent des assemblées dans ce service, et comme devant, par conséquent, nous soumettre aux sollicitations de plusieurs frères qui ont droit à toute notre confiance et notre estime.

C'est pour leur complaire, que nous avons inséré à la fin, quelques Cantiques destinés à être lus plutôt que chantés.

Nous nous sommes encore assez souvent permis de faire des changements, des corrections ou des retranchements à plusieurs des chants de ce Recueil. Il n'en est point qui n'ait eu sa raison d'être fort importante à nos yeux. La principale tient à la doctrine. Un Cantique ne peut être spirituel, ou selon l'Esprit de Dieu, il ne peut être chanté avec l'Esprit, si les sentiments qu'il exprime ne sont pas en harmonie avec les pensées de l'Esprit, révélées dans les Écritures. Aussi avons-nous dû rejeter et changer divers titres, donnés à Dieu ou au Seigneur Jésus, qui ne sont pas ceux que le Saint Esprit Lui attribue dans Ses relations avec l'Église. Nous ne nous croyons pas du tout autorisés à nommer Christ: «Notre frère,» parce qu'Il n'a pas honte de nous appeler Ses frères. C'est de Sa part une grande faveur qu'Il nous accorde; ce serait, de la nôtre, une familiarité peu respectueuse. Nous avons cherché à changer tout ce qui, dans le style, était plutôt israélite que chrétien, plus en rapport avec la loi qu'avec l'Évangile. Nous avons tâché d'effacer toutes les confusion de personnes, par lesquelles on attribue au Père ce qui est l'œuvre du Fils, ou l'on s'adresse au Fils comme étant ses enfants. Jamais le Saint Esprit ne peut conduire à ces confusions ni les approuver. Ce n'est certes pas, par Lui, que nous pourrions répéter:

De telles expressions, appliquées aux relations de ce monde, paraîtraient, à bon droit, ridicules; et cependant elles abondent dans presque tous les Recueils de Cantiques chrétiens! Nous avons dû modifier bien des vers, où la mort était présentée comme l'attente des croyants, tandis que, selon les textes les plus positifs, notre attente, c'est Christ, son apparition, notre enlèvement auprès de Lui. Nous ne pouvions donc plus dire (Voir Hymne 57):

puisqu'il est écrit que «Nous ne nous endormirons pas tous,» et que «nous, les vivants qui demeurons, nous serons ravis.»

Une autre phraséologie fréquemment employée dans les cantiques — surtout parce que louange rime si bien avec ange, est celle-ci:

ou:

Ce sont encore là des locutions qui ne nous paraissent pas selon l'Esprit et la Parole. D'abord, je ne sais trop s'il est jamais dit dans les Écritures, que les anges chantent. Puis, en supposant qu'ils chantent, les chants de l'Église iraient bien au delà et au-dessus de ceux des Anges (3).

Nous avons cherché, sans y avoir toujours réussi peut-être, à faire disparaître certaines épithètes trop familières ou trop humaines, accompagnant les noms du «Sauveur,» telles que «cher Sauveur, tendre Époux» etc. On ne trouve rien de pareil dans le Nouveau Testament. Enfin, c'est le Seigneur et non l'Église qui dit: «Oui, je viens bientôt (ou promptement).» L'Église, par l'Esprit, répond: «Amen; viens, Seigneur Jésus,» sans jamais ajouter: «bientôt

Nous aurions encore beaucoup à dire pour exposer les motifs des changements apportés à cette refonte de nos Hymnes; mais c'est assez, et probablement beaucoup trop déjà. Qu'il nous suffise d'ajouter que nous avons tenu compte, autant qu'il nous a été possible, des vœux exprimés et des demandes formulées par beaucoup de frères.

Maintenant que ce volume, si fort désiré par un très grand nombre (comme l'ont prouvé les souscriptions qui ont dépassé de plus du double ce que nous attendions), soit accueilli par les frères avec indulgence. Qu'ils veuillent se rappeler, que ce travail était difficile à bien faire, que celui qui en était spécialement chargé s'en est occupé avec tout le soin et la conscience dont il était capable, et sous le regard de Dieu.

Oh! que ce Dieu de grâce et d'amour nous donne à tous d'user de ce volume à Sa gloire, avec l'Esprit et avec intelligence, pour l'édification et le bien de nos âmes en Jésus Christ notre Seigneur, auquel soit louange et adoration aux siècles des siècles. Amen!

Vevey, le 28 Septembre 1864.

Charles-François Recordon

1. Au reste, il est parfois bien facile de transformer un Cantique en Hymne. Comparez, par exemple, l'Hymne 58ème de ce recueil avec le Cantique 110 du précédent; l'Hymne 41ème dont le verset 3 finissait ainsi: «la clémence de notre Dieu Sauveur,» et le 4ème: «Adorons le Seigneur!» Hymne 65ème, ci-devant: «Quand nous avons Jésus» et ainsi de suite.)

2. Jésus-Christ appelle l'Église «Son Épouse;» où est-ce que nous voyons l'Église et surtout une assemblée, l'appeler: «Notre Époux?»

3. Les harpes d'or des saints glorifiés sont aussi une invention de l'imagination des poètes. (N.B. S'il est parlé de harpes, rien n'indique qu'elles soient en or.)

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